Un homme "très seul" et sans emploi a tenté de s'immoler par le
feu en pleine rue vendredi à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, deux jours après
la mort d'un chômeur en fin de droits qui s'était suicidé de cette manière
devant un Pôle emploi à Nantes. Le
président François Hollande avait exprimé après ce drame "une émotion toute
particulière", tout en écartant toute responsabilité du service public de
l'emploi.
Pour le Professeur Jean-Pierre Soubrier, psychiatre et expert
en suicidologie à l'OMS, ces suicides
pointent la nécessité d'une prise en charge davantage psychosociale que médicale
des chômeurs, une population souvent en désespoir économique.
TF1News : Que signifie se suicider par immolation ?
Pr. Jean-Pierre Soubrier : Cette méthode est
une destruction ultime et définitive du corps. Ces personnes nous disent
qu'elles ne veulent plus faire partie de la société. Par ailleurs, ce mode de
suicide est plus courant chez les personnes schizophrènes et d'après les
premières informations ces personnes ne sont pas connues comme étant malades.
C'est aussi extrêmement grave car ce suicide, typique de l'Asie, reste
exceptionnel en Occident. Il faut donc faire attention car il y a un risque de
contagion et d'imitation chez les personnes qui sont au bout du rouleau avec
l'hypermédiatisation de ces suicides.
TF1News : Le suicide est-il courant chez les
chômeurs ?
Pr. J-P S. : Plusieurs facteurs mènent
au suicide. Mais il existe un risque supplémentaire chez les personnes en
désespoir économique, comme les chômeurs ou les migrants, des populations qui
sont dans une situation de fragilité et de vulnérabilité. Il suffit qu'une
personne sensible devienne vulnérable en étant dans une situation économique
difficile pour que cela la conduise à un acte de désespoir qui se transforme en
acte suicidaire. Une faillite, un chômage, ou comme
on en parle de plus en plus la situation économique des personnes âgées, peut
entraîner un acte suicidaire.
TF1News : Quelle peut être la prévention pour ces
personnes ?
Pr. J-P S. : On est à l'état zéro de la prise
en charge de ces populations en France. Ces gens ne sont pas des malades mentaux
donc la société ne prend pas en compte leur désespoir. Il n'existe pas assez de
structures pour prendre en charge cette population suicidaire et dépressive
alors que c'est un problème de santé publique, pas de santé mentale. On est dans
une pathologie psychosociale, pas médicale. Ce ne sont pas des hôpitaux
psychiatriques qu'il leur faut, c'est une écoute, du soutien et du réconfort car
tout ce qui est strictement médical n'est pas adapté à leur situation. Les
gouvernements doivent dire que la prévention du suicide est une réalité et que
le suicide est l'affaire de tous. Il serait donc temps d'arrêter de faire du
suicide un sujet tabou.
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